Hugues de Wurstemberger

  1. Aux mouflets, minots, agneaux, loupiots, mioches, microbes, lardons, aux minots, morveux, cradzet, gosses, petiots, moutards, baigneurs, moutatchous, mimi, tendrons, ratons, fistons, têtards, nistons, bêtas, amours, biquets, criquets, moucherons, génitures, vauriens, titi, marmots, crapauds, bambins, gamins, chérubins, coquins, merdeux, chiards, morpions, pitchoun, rejetons.


  2. Ce projet, mes dix doigts, mes bottes de sept lieues. Le livre, une sorte d’abécédaire: l’arbre, le chat le soleil. Dans le coma de ma salle obscure, cet herbier se projette comme un vitrail, au hasard de la lumière et du temps.


  3. https://www.youtube.com/watch?v=qMLPo1Q2YEo

    Images H2W. Musique+montage:Lazare Boghossian. Scan Photo: Pierre &Brigitte2W.

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    Musique+montage:Lazare Boghossian.

    Scan Photo: Pierre &Brigitte2W.

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      Musique+montage:Lazare Boghossian.

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  4. Lorient 2015

    Lorient 2015

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      Lorient 2015

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      "Album" musée de Charleroi 2008

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      "Album" musée de Charleroi 2008

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      Lorient 2015

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      Lorient 2015

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      Fotostiftung Winthertur 2010

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      Fotostiftung Winthertur 2010

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  5. “Fragment“, texte en exergue du livre P&P.

     ­­“Beau cygne blanc, qui vogue sur l’eau, il n’y a ni bateau, ni passerelle, viens prendre sur ton dos Hansel et Grethel“

     Ces images sont les dix doigts de mes deux mains, de la fille, du garçon, de Pauline et de Juju –frère et sœur–, de la mère et du passeur. Je les connais depuis si longtemps qu’elles me sont devenues légendaires, le conte que je raconte.

    Les étoiles filent, le temps aussi. Un jour, parti au bois à chercher des images, j'ai cru que, rentré, ils seraient déjà grands. « Comment-ces-petits-poussent-ils ? ». Ils semaient des petits cailloux, montaient dans les arbres, se réveillaient la nuit. Avec Brigitte, je les ai mesurés et, de marques en mesures, la nostalgie est venue, avec elle le désir de faire un recueil, une sorte d’abécédaire : le chien, le chat, la mouche, le gros nuage, le soleil. Je vais le dire comme il me vient, comme dans le coma d’une salle obscure à la projection d’un film maintes fois monté, coupé, remonté. En contretemps, la pluie, par moment luisante, comme ces images aux grains d’argent.

     

    Fragment n° 1

     

    La plage est incrustée de coquillages brisés. La lumière éclate, se pose, prend la pose sur l’épaule de Pauline. L'oiseau se branche sur ses sourcils. Le chat est ficelé, prisonnier du vieux, les enfants coupent la corde. Il reste, je reste. Tout ce temps passé à retourner dans un passé. Je suis dans le noir, les mains dans l’eau glauque du labo. J'entends des bruits. Au-delà, dehors, dans la cuisine Juju écrase des mouches sur le formica, dessine des bazookas, des galaxies, gribouille, lance des missiles partout, par terre, derrière le frigo, c'est la guerre. Je veux sortir.

    Derrière la serrure, l'envie de construire un miroir noir, une coquille de noix, de partir et flotter, voir du pays, du paysage, trouver un passage, d'une rive à l'autre. Enfants pas-sages. Bengale, feu de fringale « Regarde-ce que je peux faire… », c’est miroir et danseuse.

    Le soir venu, c'est trop bien de fermer les yeux, de s'endormir avant eux quand on raconte une histoire. Ils raffolent des histoires d'eux, à la douzaine : « Raconte-moi encore le jour où je suis née » … La grand-mère raconte l’origine du nombril, habite à mille milles, se brise souvent. Elle se raconte orpheline, kabyle, indienne, s’appelle France. Léonne, sa nourrice est blanchisseuse. France part à la guerre, débarque, soigne les gueules-cassées – elle fait peur aux enfants, fait l'araignée, ils adorent ça. Elle rencontre son homme. Il est Soufi, contrebandier, dans le bled, Casa, Taroudant, seul en smoking blanc. Puis les Aurès, pintades, chacals, Doucette, la « 12,7mm » sur le château d’eau en mirador, la guerre si-vil, les hélicoptères bananes, les cadavres égorgés. Par les gorges de l'enfer, la famille fuit. La dauphine ne passe pas la mer, mes jouets non plus. Elle raconte mon ours réfugié sur le pont. Notre-Dame de la Garde. Sur le port, tout Marseille siffle les pieds-noirs. La grand-mère a ça dans douze albums, les mômes s'endorment dedans, s'écroulent dans ses bras secs.

     

    Fragment n° 2

     

    Pauline écrit soigneusement sur une enveloppe : « Pipi et caca, mariage magique ». Pauline fait des livres, elle appelle ça des « pirations » : le livre de Madame livre, de l'été, du chat. Moi, avec mes images en pagaille, j’enfile les bottes, remonte le temps, cherche, farfouille.

    Au début, Pauline nage au fond du fjord en fonte, marche, se cache dans une grande cruche. Elle regarde les perruches. Pendant quatre ans, elle dévore tout : l’Arbre aux pommes d'or, le Cercle de cendres, le Sable dans ses sandales, la Télévision, le Vent et les Vole au Vent, les Zenvols des mouettes au Zoute. Week-end au Coq, jalousie, moulin-à-vent. Juju se pose sur la mare, se niche dans sa mère, prend place sur nos genoux, bijoux, cailloux. La vie en mimosa. Mamours. Pauline est rose, elle ne sait pas fermer son dernier bouton et ses Barbies ne tiennent pas debout. Grandir fait mal aux os, cauchemars, labyrinthe, dents de lait. Il y a les autres. Ils pleurent, les heurts passent, douleurs. Juju-veux-pas, « caca boudin ». Il veut trottiner, hurle et rage, orages, naufrages, « tous au bain! » Pets dans l'eau, et peau ridée.

    Elle griffe. Il mord. « Pince-mi, pince-moi ». Beaucoup de bleus. Pauline reçoit sa première déclaration d'amour (je la cherche!). Il ne signe pas Boris, il l'a tapé sur l'ordinateur de son père mort en mer l’été dernier. à la fête de l'école, il est un vampire. Elle affiche sur sa porte « Interdit aux garçons, même papa ». Pauline a ses copines. Elles se déguisent en fées roses, mariées, belles danseuses, sirènes, squattent et verrouillent la salle de bain, verres à dent, lait de beauté, rouges à lèvres. Si je donne le mot magique, je peux rentrer. Je prends les images. Juju se déguise en indien, requin, romain, carton, et s'ennuie. Il se cache dans ses cabanes, macère. Dans leur théâtre, les filles lui accordent le rôle du petit serviteur chinois Ki-Di-Rien. Pluie d'applaudissements, première neige, les feuilles, en narcose sur le tronc.

     

    Fragment n° 3

     

    Flash-back. C’est un vieil été. Je me souviens d’une longue chasse aux libellules avec Odon. La chambre surchauffée baignait dans le formol. Dans les bocaux, les insectes mouraient, paons du jour, vulcains, citrons, sphinx, libellules écarlates, scarabées irisés, métal précieux. On les voulait tous. Le désir est fort, la photo un piège vif-argent.

    Les enfants vident la rivière. Galets. Ricochets. Ronds dans l'eau. Je repars. Au bord du Danube, des terrains vagues, un chien errant mouillé, patte cassée. Je le ramène aux enfants. Ils grimpent aux arbres, disparaissent. Ils signent : « le fils et la fille invisibles ». Juju chante : « Les nuages passent, on ne les voit plus, où vont-ils poussés par le vent, le sais-tu ? ». Ceux qui les suivent s’arrêtent là où, lourds, ils crèvent leurs eaux. Je suis au Sahara, je pense aux miens. Pauline danse, confidences : « Tu es ma meilleure amie mais un peu plus que Sana... ». La cousine sous les petits bois, c'est Clémence.

    Grimaces derrière les carreaux, doigt dans l'oeil, arbre-pieuvre en forêt de Soigne. Volée de bois vert, le temps de travers grille les nerfs de sa face. Les perroquets passent devant sa fenêtre à l’Hôpital des enfants. Tu peux voir tout ce que tu veux, mais tu ne peux pas avoir tout ce que tu as vu. « Tu sais, j'ai vu les lucioles au Salvador. » Aléatoires, elles clignotent dans le soir. Signophiles légers, fluorescents.

    Le jour se fait fragile, en suspension. La lumière pénètre la peau trop fine de la vieille. Aveugle, blind, le livre se forme dans un ventre, au cercle de cendre, à côté d'un lac de montagne, s'écrit sur l'eau, chute, passe la pierre tombée, assemble, Hohenfeuer, âme-soeur, relie, rassemble encore ce qui ne peut plus l'être.

    Mes premières images d’enfants, c'était François et Jean-Marie, comme des fils. Cette année, cet hiver, François est mort en montagne, au Schwarzhorn. À la Casse Déserte, Jean-Marie saigne. Nous marchons. Bruits sourds, la neige fond, la forme suit.

     

    Fragment n°4

     

    Parfois, il y a la grâce et puis des images, parfois rien, je ne vois rien. Dans la maison, il y a trois chats. Quand Juju cherche sa tortue, il ne la trouve jamais, yougoslave, elle aime les tomates et sa brouette en fer. Quand Brigitte lui coupe les ongles, il pleure. Petits croissants de lune noire au fond de la baignoire. Isabelle est morte, c'est la reine des merles. Martin, son mari m'a appris à faire des photos en piqué. Blitch, ferrocyanure. Pour mourir, il a bu sa chambre noire. Juju trouve un tas de trucs, déniche, collectionne tout, écrous, sous, clous. Il traverse la rivière, ramasse un caillou. Maintenant, il les collectionne. Juju est soupe au lait, il caille. Bleu de l'eau, les lèvres violettes, il déteint, se fripe.

    Je suis en reportage. Je suis un rapporteur, un ramoneur, tout ceux que je rencontre laissent des traces sur moi, me suif. Dans un petit hôtel, seul. Le ciel s'ouvre, se ferme. Je rentre à la maison, l'école est finie. C'est l'été. La voiture pleine. Le soleil avide. La plage blanche. La famille tourne la plage, écume le sable. Les cahiers à la mer, mer en feu.

    Juju joue avec son ombre, Pauline dort sous le soleil, sa peau dore, peau de pêche. On pêche. Petits poissons flamme. Juju maintenant ne veut plus qu'on l'appelle Juju, c'est PIERRE, et c'est lui qui reçoit des mails d'amour.

     

     


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